• JO : Mekhissi, un athlète vraiment à part

    Sandrine Lefèvre | Publié le 06.08.2012, 13h32

     

    Mahiedine Mekhissi, médaille d'argent du 3000 mètres steeple, effectue son tour d'honneur avecle maillot du vainquuer, le Kényan Kemboi, qu'il a même porté en triomphe. 

    Mahiedine Mekhissi, médaille d'argent du 3000 mètres steeple, effectue son tour d'honneur avecle maillot du vainquuer, le Kényan Kemboi, qu'il a même porté en triomphe.  |(AFP/FRANCK FIFE.)

    Zoom

     

    « Les petits de mon quartier à Reims se sont mis à l’athlétisme, ils disent qu’ils veulent faire comme Mahiedine… » Mekhissi est presque épaté. A 27 ans, ce fils d’immigrés algériens, déjà deux fois médaillé olympique, est pourtant en train de laisser une trace dans le sport français. Forcément, il en est fier. « Mon père est arrivé en  pour trouver du travail dans la maçonnerie, raconte-t-il. J’ai grandi dans la galère. A l’école, il fallait qu’on fasse plus que les autres parce qu’on était immigré, on n’était pas sur la même ligne de départ. » 

    C’est dans cette enfance pas forcément facile qu’il a puisé sa force. « Comme tous les gamins, je traînais dans le quartier, j’étais là quand il y avait des embrouilles. Sans l’athlétisme, je ne sais pas ce que je ferais aujourd’hui. » Respectueux, réservé, Mahiedine Mekhissi n’a surtout rien d’un voyou. « On faisait ce qu’on pouvait, Tout ça, ça m’a donné la rage de vaincre. » Le sens des valeurs aussi. « Je n’ai jamais demandé d’argent à mes parents, déjà qu’ils n’en avaient pas beaucoup! On faisait avec ce qu’on avait. Le goûter, c’était du pain, une imitation de Nutella, du sirop et de l’eau. C’est comme ça qu’on apprend la valeur des choses, aujourd’hui, les petits, ils ont tout… »

    L’argent ne l’a pas changé. « Il gagne bien sa vie, mais continue de se comporter comme l’adolescent qu’il était, confirme Farouk Madaci, son entraîneur. Pas de voyage en première classe, pas d’hôtels luxueux, mais des appartements rudimentaires où pendant les stages on vit à quatre ou cinq et où on se fait à manger. »
    Il s’impose une rigueur de vie. Tout est dans la simplicité. Une simplicité voulue, revendiquée même. « Quand on s’installe dans le confort, on est moins bien sur la piste », répète Mekhissi. « Sa pratique demande un tel , une telle capacité à supporter la douleur qu’il ne faut surtout pas être douillet », poursuit l’entraîneur. Mekhissi est un dur au mal. Physiquement, mais aussi mentalement. Ces derniers mois, il s’est coupé du monde. « Je voulais ne penser qu’à l’entraînement, me donner à fond. J’ai voulu qu’on me laisse tranquille pour me concentrer. J’avais envie d’être dans les mêmes conditions que les Africains. Eux, ils n’ont pas toute cette agitation autour d’eux, ils s’entraînent, point barre. »

    Cette extraordinaire conviction, cette capacité à encaisser les séances et surtout cette idée ancrée dans son esprit depuis toujours que les Kényans ne sont surtout pas imbattables font de lui un athlète à part. « Au niveau mental, il a ce petit truc en plus que seuls les grands champions ont, estime Madaci. Il a tellement d’humilité et de pudeur qu’il ne répète jamais qu’il veut être médaillé. Il l’a dit une fois en début de saison et ça a été terminé. » Mekhisssi, le gamin de Reims, a en tout cas tenu sa promesse. 

    VIDEO. Mekhissi : « Ça vaut tous les sacrifices du monde »





    VIDEO. La médaille d'argent de Mekhissi